Nichée dans les rues du centre monumental de Pompéi et après une longue période de fermeture, la Maison de l’Ours blessé est à nouveau visitable, offrant à tous les visiteurs un parcours plein de charme et de témoignages artistiques. Datant du milieu du premier siècle après J.-C., cette domus surprend par la beauté de ses mosaïques de sol et de ses décorations murales, ainsi que par la présence d’un précieux nymphée dans le jardin. Son nom, résolument évocateur, provient de la célèbre mosaïque représentant un ours frappé par une lance, placée près de l’entrée et accompagnée de l’inscription de bienvenue “HAVE”
Où se situe-t-il ?
Carte de Pompéi : Regio VII – 19
Google MapsIntroduction historique
La Maison de l’Ours blessé est située dans la Regio VII, dans une zone archéologique adjacente à la Via degli Augustali et à la ruelle Lupanare. Les fouilles, effectuées entre 1865 et 1868 (bien que certaines sources citent 1862 comme début des travaux), ont révélé un ensemble d’habitations de taille limitée mais d’une grande valeur artistique. Lors du tremblement de terre de 1980, la maison était déjà fermée au public, ce qui l’a rendue presque invisible pour le grand circuit touristique pendant des décennies. Ce n’est qu’en 2016-2017, grâce à une importante restauration, que la Maison de l’Ours blessé a été rendue aux visiteurs, au terme d’un processus de récupération qui a porté sur les mosaïques, les fresques et la spectaculaire fontaine-ninfeo.
À l’époque romaine, la maison se distinguait par la qualité de son hospitalité et la richesse de sa décoration : l’inscription “HAVE” (“bonjour” ou “bienvenue”) à l’entrée symbolisait la volonté du propriétaire de se montrer hospitalier, tandis que la représentation de l’ours blessé avait, selon toute vraisemblance, une valeur apotropaïque, c’est-à-dire de protection contre les influences maléfiques, selon une croyance très répandue à Pompéi et dans le monde romain en général.
L’ours blessé : l’emblème du foyer

À l’angle de la rue Augustali et de la ruelle Lupanare, l’ancienne entrée de la Maison de l’Ours blessé accueille le visiteur avec une petite mosaïque de marbre polychrome représentant un ours frappé par une lance. L’animal est représenté en train d’essayer d’arracher l’arme plantée dans son flanc, tandis que du sang s’écoule de son corps : une scène dramatique qui renforce l’efficacité du symbole apotropaïque.
Aujourd’hui, pour préserver le sol d’origine des milliers de touristes qui passent chaque année, l’entrée principale de la maison a été déplacée vers une entrée latérale. Une vitre incassable protège désormais l’entrée d’origine. Néanmoins, la mosaïque de l’ours blessé est visible, éclairée et nettoyée : un excellent exemple de musivaria pompéienne à la charnière des 1er et 2e styles romains, qui se distingue par des tesselles de tailles variées et la taille raffinée des marbres.
L’ours, dans le symbolisme romain, pouvait évoquer à la fois la férocité et la résistance – une icône appropriée pour défendre symboliquement la maison contre les attaquants mal intentionnés ou les mauvais esprits. De nombreuses autres domus de Pompéi présentaient des entrées décorées d’animaux (chiens, lions, panthères) et de formules de salutation (“Salve”, “Have”, “Cave canem”), signes d’une coexistence entre esthétique, religiosité et magie.
L’architecture et les mosaïques de sol

Bien que de taille modeste, la Maison de l’Ours blessé frappe par la qualité et la variété de son appareil décoratif. Les principaux espaces sont :
Vestibule et fauces: l’entrée, où se trouve la célèbre mosaïque de l’ours. À l’origine, c’était le passage obligé pour entrer dans la domus ; aujourd’hui, pour des raisons de conservation, on ne peut l’observer que derrière la plaque de verre.
Atrium: après le court couloir, on entre dans l’atrium, une pièce centrale typique des maisons pompéiennes. On y trouve des sols en mosaïque bicolore (noir et blanc) décorés de motifs géométriques, dont certains sont enrichis d’insertions en opus sectile (plaques de marbre ou de pierre colorée ).
Tablinum: la pièce donnant sur l’atrium qui avait des fonctions de représentation et d’étude pour le maître de maison. Le sol en mosaïque et les fresques murales, dont certaines ont été conservées, témoignent du soin avec lequel ces espaces destinés à l’ostentation sociale étaient aménagés.
Pièces annexes: depuis le tablinum et l’atrium, on accède à des cubicula (chambres) et à d’autres petites pièces de service, dont certaines offrent de remarquables fragments de fresques et des détails de pavement. Certaines mosaïques présentent des combinaisons raffinées de carreaux blancs et noirs, ainsi que des “inserts” de pierre colorée, créant un élégant effet de couleur.
Le passage entre l’atrium et le jardin est encore embelli par des pavements en opus sectile qui conduisent vers le véritable centre scénique de la maison : la petite fontaine-ninfeo. Une restauration soignée a permis d’éliminer les vieux mortiers de ciment introduits dans le passé, de rétablir la cohésion des carreaux et de retrouver l’éclat original des couleurs.
La fontaine-ninfeo et le jardin

L’endroit le plus spectaculaire de la Maison de l’Ours blessé est sans doute le petit jardin situé à l’arrière de la demeure, agrémenté d’un édicule-fontaine ou nymphée. Ce dernier représente un véritable chef-d’œuvre de polychromie, réalisé en mosaïque sur pâte de verre, avec inclusion de coquillages naturels, de morceaux de lave et de calcaire de différentes teintes. L’effet est celui d’une grotte artificielle, une “insula” de paix et de fraîcheur au cœur de la maison.
La lunette supérieure de la fontaine représente un fond marin peuplé de poissons et de détails de la flore aquatique. Au centre se trouvent les figures de Vénus, allongée dans un grand coquillage, et de Neptune, seigneur de la mer, tous deux immergés dans un monde sous-marin féerique. Ce type de composition, avec des coquillages et des tesselles vitreuses, a été conçu pour refléter le jeu de l’eau et de la lumière, créant un fort impact visuel et sonore (le bruit de l’eau qui coule) pour les convives invités à un dîner ou un banquet à proximité.
Immédiatement derrière la fontaine, les murs sont décorés d’une grande fresque représentant un jardin fantastique, peuplé d’animaux tels que des sangliers, des loups et des oiseaux. Il s’agit d’un exemple typique de peinture de jardin, très répandue dans l’art pompéien du premier siècle après J.-C., où l’illusion d’un espace naturel plus vaste est combinée aux senteurs des plantes réelles cultivées dans le petit jardin de la maison.
Les fresques : du mythe de Danaé à Narcisse
Outre les mosaïques et l’iconographie liée aux ours, la maison présente des fresques remarquables, bien restaurées et visibles dans certaines pièces. Le triclinium, en particulier, conserve de petites peintures inspirées de la mythologie grecque :
Danaé avec le petit Persée: la princesse fécondée par Zeus sous la forme d’une pluie d’or, tenant dans ses bras le nouveau-né Persée.
Narcisse: le jeune homme qui tombe amoureux de son image reflétée dans l’eau, mythe emblématique de l’amour de soi poussé à l’extrême.
Ces sujets mythologiques, fréquents dans les demeures des aristocrates et des riches Pompéiens, étaient choisis pour susciter des conversations savantes et divertir les convives lors des banquets. Le quatrième style, qui prédomine dans la seconde moitié du premier siècle de notre ère, privilégie les compositions riches en architectures fantastiques et en scènes mythologiques encadrées de couleurs vives (rouges, jaunes, noirs, blancs), souvent agrémentées d’inserts dorés ou d’illusions de colonnes et de balcons en perspective.
La restauration et la réouverture au public

Fermée depuis près de vingt ans, la Maison de l’Ours blessé a rouvert ses portes au public après un vaste projet de consolidation et de restauration :
Sols en mosaïque: enlèvement des mortiers de ciment, remplacement par des mortiers compatibles avec la composition romaine d’origine, nettoyage et intégration des carreaux manquants.
Fontaine-nymphée: nettoyage des éléments en pâte de verre et des coquilles, consolidation de l’enduit sous-jacent et reconstitution des lacunes picturales, afin de restaurer la vivacité chromatique du paysage marin.
Fresques: élimination des dépôts et des incrustations, consolidation des parties menacées de détachement, intégration des lacunes non lisibles avec des techniques reconnaissables à la vue.
Mesures de protection: passerelles en verre et balustrades en métal simulant le Cor-Ten, pour protéger les sols les plus délicats et permettre d’en profiter pleinement. Une grande vitre incassable protège la mosaïque de l’ours blessé sans empêcher la vue.
Le projet de réouverture a également été conçu pour décongestionner la Via dell’Abbondanza, la rue principale de Pompéi, en offrant aux visiteurs la possibilité d’emprunter d’autres itinéraires le long de la Via degli Augustali, qui croise d’autres domus importantes, telles que la maison de Siricus. Les visiteurs peuvent ainsi suivre un itinéraire moins encombré mais tout aussi riche en merveilles.
L’importance de la valeur apotropaïque
Au-delà de la beauté artistique, les mosaïques et les représentations de la Maison de l’Ours blessé reflètent la mentalité romaine, dans laquelle les images avaient un pouvoir concret de défense et d’influence sur l’environnement domestique. L’ours blessé, placé pour garder l’entrée, était un avertissement pour quiconque voulait franchir le seuil avec des intentions néfastes : un animal puissant, bien que blessé, prêt à repousser les mauvaises influences. Cet aspect renvoie à un usage partagé à Pompéi, ville où les dangers surnaturels étaient conjurés par des peintures d’animaux féroces, des masques de théâtre et des gravures de formules magiques.
Itinéraire et conseils pratiques
La visite de la Maison de l’Ours blessé est aujourd’hui une expérience remarquable, rendue plus confortable par les passerelles et les vitres de protection qui protègent les mosaïques. Voici quelques suggestions précieuses pour les touristes intéressés :
Accès latéral: l’entrée d’origine avec la mosaïque de l’ours n’est visible que de l’extérieur ; l’entrée se fait par un passage secondaire spécialement aménagé.
Passerelle transparente: un chemin en verre d’environ un mètre de large mène du tablinum au petit jardin, sans contact direct avec le sol en mosaïque.
Arrêt dans le viridarium: prenez quelques minutes pour observer la fontaine-ninfeo, en vous attardant sur les détails de la mosaïque marine et des coquillages. À certaines heures, la lumière du soleil accentue les contrastes de couleurs, donnant des effets particulièrement saisissants.
Il vaut également la peine de poursuivre jusqu’à la maison de Siricus, située à peu de distance, pour admirer un autre exemple de domus richement décorée et, si l’on veut aller plus loin, pour explorer l’ensemble du quartier Regio VII, qui a fait l’objet d’une restauration de longue durée et qui est rendu au public.
Conclusion : un joyau méconnu de Pompéi
Si Pompéi est célèbre pour ses grandes domus (comme la Maison des Vettii, la Maison du Faune ou la Maison de Ménandre), la Maison de l’Ours blessé est un petit bijou qui allie raffinement, symbolisme et art de premier ordre. Des travaux de restauration l’ont sauvée de l’oubli et l’ont rendue à nouveau accessible, ce qui constitue une étape importante tant pour la préservation du patrimoine culturel que pour les voyageurs à la recherche de lieux moins connus mais tout aussi évocateurs.
Si vous planifiez votre itinéraire dans le parc archéologique de Pompéi, une visite à la Maison de l’Ours blessé vous donnera un aperçu de la façon dont les Pompéiens vivaient au premier siècle de notre ère, combinant l’élégance des espaces avec la pratique de se protéger de l’adversité par le biais d’images et de rituels. L’admiration des mosaïques, des fontaines et des fresques restaurées dans leur ancienne splendeur permet de se mettre à l’écoute d’un monde qui est resté silencieux pendant près de deux millénaires, mais qui est encore capable de parler à nos yeux avec une vive intensité.
FAQ sur la Maison de l’Ours blessé à Pompéi
Le nom vient de la mosaïque spectaculaire de l’entrée, représentant un ours frappé par une lance. La scène avait probablement une fonction apotropaïque, c’est-à-dire protectrice, et était accompagnée de l’inscription de salutation “HAVE”
Les sols en mosaïque, le nymphée (fontaine de l’édicule) décoré de coquillages et de tesselles de verre, ainsi que les fresques à sujets mythologiques (Danaé et Narcisse, par exemple) dans le triclinium. Le tout est agrémenté de passerelles en verre qui permettent de marcher sur les mosaïques sans les abîmer.
À l’entrée de la Maison de l’ours blessé, une mosaïque représente un ours transpercé par une lance, en train de la retirer de son flanc. Cette scène avait une signification apotropaïque, c’est-à-dire de protection contre l’adversité – une image forte et dramatique qui symbolisait la détermination à repousser les dangers et les maux qui pouvaient menacer la domus et ses habitants.
Une vitre incassable protège la mosaïque et n’est visible que de l’extérieur. Pour des raisons de conservation, l’accès se fait par une entrée secondaire. Dans tous les cas, la vue sur la mosaïque reste excellente et l’éclairage la met en valeur.
La maison était restée inaccessible pendant près de deux décennies. La restauration, achevée vers 2016-2017, a permis sa réouverture au public, rendant à la zone archéologique un joyau jusqu’alors méconnu mais important sur le plan historique et artistique.